Chaille! La Ramée, Chaille!

Expo à la cure de Cunlhat jusqu’au 30 juin, épisode 2. L’occasion de plonger un peu dans Le Trésor des Contes de Pourrat et d’y puiser motif à illustration. |°)(°|

Chaille! ou la version auvergnate d’un conte qu’on croise aussi chez Andersen quand, pour épouser une princesse et, d’abord, lui tirer son premier sourire, l’idiot est aussi le plus efficace qui dans son sillage traîne à la queue leu-leu une farandole absurde que le seul mot « chaille! » assemble.

La Ramée ou l’histoire du pauvre gars qui à son retour de guerre trouve un sac miraculeux dans lequel il fourrera, pêle-mêle et successivement, un capucin de huit livres, du vin aigrelet, les abattis d’un drac facétieux, les esprits démoniaques qui tourmentent le meunier et, pour finir, le diable venu le prendre!

Accrochage sur le violet des murs de l’ancienne cure et belle soirée vernissage avec les Druginaires (violon, vielle et accordéon) pour ce premier bal trad’ depuis Mathusalem.

Des fois, elle se souvient

C’est la seconde guerre mondiale racontée par une grand-mère qui avait 9 ans.

C’est un livre illustré, imprimé et relié en 2020 par David & Annette _la petite-fille de la grand-mère. La couverture est composée au plomb et illustrée d’un beau petit lino imprimés dans le Puy-de-Dôme à l’imprimerie-charcuterie !

C’est une histoire en noir et blanc à hauteur d’enfant.

Il se régale, le bougre

Une histoire courte en quelques dessins. L’idée d’un livre.

À l’origine il y a un texte, une histoire d’abord racontée, improvisée au grand air au rythme de la marche avec deux ânes et trois enfants. Puis écrite, saisie, augmentée, arrangée et, au final, expurgée, résumée, drastiquement condensée jusqu’à tenir en ces quelques mots.

Backstage : l’impression de « s’être encore fait avoir ». Ce qui devait être un article rapide à partir de photos volées ou souvenirs de chantier – éventuellement sans lendemain – s’est rapidement abîmé dans le mirage technologique de l’illusoire facilité offerte par l’informatique. Un temps énorme passé à traiter, retoucher, couper et assembler les images (avec Gimp et sous Linux ce qui, certes, suppose l’acquisition de nouveaux automatismes) ; à faire des montages, trucages, collages pour rattraper des prises de vues bâclées ou par flemme et angoisse du vrai dessin avec ce qu’il suppose de sueur, répétition, ratages, aller simple sans possibilité de retour, alors que ce que je veux c’est graver, couper, encrer, passer sous presse…

Sur scène : les questions. Imprimer à quelques dizaines d’exemplaires à L’Imprimerie-Charcuterie, à partir de gravures sur bois et de caractères en plomb ? Sous la forme économique, mais frustre, d’un fanzine photocopié en noir et blanc ? Chez un imprimeur « physique », en numérique ? Grâce à un imprimeur en ligne, type Easyflyer ? Sous la forme fugitive de quelques pixels allumés « ici » ?

1-lievre

2-oreille

3-trou

4-lune

5-café

Clou, Ribouldingue, Boucle-d’or, Calendula-Jane & Silex

Voici l’histoire telle qu’elle a été dite une première fois, improvisée en juin 2018 sous l’impulsion d’une vague contrainte oulipienne. Celle de faire entrer dans la narration les détails réels croisés sur le bord de la route. Une souche vermoulue, des digitales, le sésame d’une plaque d’immatriculation, puis, plus tard une bouteille de kombucha, évidemment !
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visages

Le grand échalas hirsute en tête, c’est Clou ; suivi de Ribouldingue et Boucle-d’or. Viennent ensuite Calendula-Jane et Silex parce qu’il fait des étincelles avec ses dents, quand elles claquent. Secoués par la bourrasque, pourchassés par le vent, ils déboulent un soir dans un hameau perdu.

cabane de planche

Le vieux Robinson leur ouvre la porte et les invite à avaler une soupe chaude de bajanes. Dans le poêle, la flamme rougeoyante danse un sabbat intrépide.

bouillon

L’hiver est là, sec et mordant. Clou, Ribouldingue, Boucle-d’or, Calendula-Jane et Silex ne savent où aller. Alors, ils restent. Un soir Robinson leur indique l’emplacement d’un trésor oublié quelque part dans une sombre forêt, au bout d’une route bordée de grandes et vénéneuses digitales, près d’une vieille souche vermoulue dressée sur un cône incandescent de sciure vermillon. Il leur parle aussi de cette voiture blanche immatriculée AV 693 XV.

souches

Le printemps arrive. Pendant cinq ans ils cherchent le trésor, explorent et furètent, interrogent la boule de cristal de Calendula-Jane, questionnent les gens du pays : personne, jamais, n’a entendu parler de cette histoire. Penauds, bredouilles ils désespèrent. Alors Clou attrape des verrues de dépit et va se faire guérir. Sur chaque petit bouton urticant, la vieille un peu sorcière dépose le lait doré d’une jeune chélidoine. Elle connaît les plantes : au plafond, elle a mis des bouquets à sécher. Et parmi eux, Ribouldingue identifie des digitales. Il en a vues jadis, quand il fauchait dans les grandes plaines.

Dis voir, vieille sorcière, où les as-tu cueillies ? D’abord elle ne veut rien dire, mais au bout d’une heure de marchandage elle accepte de leur révéler l’endroit, en échange d’un peu d’aide pour les tâches ménagères. Fendre le bois, ils ont l’habitude. Décrasser la nappe en toile cirée avec ses cinq centimètres de graisse accumulés, ça par exemple ! C’est pas une mince affaire. Par chance, Boucle-D’or était autrefois mousse. Il avait déjà récuré le pont de certains rafiots particulièrement coriaces : pisser dans un violon, mélanger à du sel, ajouter des rognures d’ongle, les escarbilles crochues d’un gaillet-gratteron et un peu de silène enflée. Mélanger, appliquer, attendre, en général ça marche. Le plus dur, incontestablement, c’est hélas de préparer les cent litres de café quotidien, qui constituent l’unique repas de la sorcière. Avec la fumé âcre d’un vieux tabac offert par le diable.

TrouNoir

Pendant cinq ans la cafetière ne désemplit pas et le dernier jour ils apprennent enfin où poussent les digitales, saluent bien la vieille et reprennent la route. Ils prennent à gauche, suivent Silex dans la forêt, montent et transpirent tandis qu’arrive à fond les manettes dans un virage et brusquement une voiture blanche avec une plaque d’immatriculation : AV 693 XV. Le numéro qu’ils ont appris par cœur ! Chacun une lettre pour ne pas oublier ; sauf la fille, sauf Calendula-Jane qui a appris les trois chiffres du milieu parce qu’elle a plus de mémoire. Leurs cinq petits cœurs se mettent à battre tous ensemble dans tous les sens. Ils regardent autour d’eux et là, patatrac ! tout ce qu’ils doivent voir, ils le voient. Une digitale, puis deux, puis de pleins bouquets dans les talus. La vieille souche ruinée sur son cône vermoulu de poussière orange. Et là-bas, dans sa jolie maison, la jeune fille qui les invite à manger.

Ils ont bien faim, mais n’y vont pas. Le vieux Robinson les a mis en garde : « Elle transforme les visiteurs affamés en poulet-frites ! ». Alors, ils montent directement à la maison du haut, poussent la porte et découvrent la petite table ronde en poirier qui virevolte, tourne et n’en finit pas de danser au son d’un accordéon hystérique. Ils lui parlent bien gentiment et elle accepte de s’arrêter deux minutes afin qu’ils puissent ouvrir le tiroir et prendre la carte sur laquelle Robinson a jadis inscrit l’endroit du trésor.

Ils sont contents, ils rigolent et suivent la carte. A potron-minet, les voyageurs découvrent le lac avec le petit lapin aux longues oreilles recouvertes d’un fin duvet de givre.

lapin

Sans perdre une minute nos cinq orpailleurs creusent un trou sous le lapin et découvrent, en effet, une sacoche en cuir de buffle que Calendula-jane hisse hors du trou et pose sur la neige. Ribouldingue plonge la main dans la panse brune et extrait divers objets qu’il expose au regard avide des camarades. Une grande scie à denture acérée et brillante ; un vilebrequin ; deux rabots, un bouvet, un rifflard et deux varlopes ; un ébauchoir long comme l’avant bras ; trois herminettes, une grande, une moyenne et une petite ; un maillet, un assortiment de ciseaux, gouges et bédanes ; une plane scintillante comme le croissant d’une lune ; des couteaux et une râpe. Bref tout un carnaval d’outils aux formes et tailles les plus épatantes. Mais zut ! En guise de trésor les voilà servis! Pas de diamant, aucun rubis, pas le moindre saphir et rien en or.

Décontenancés, les cinq compères rebouchent le trou et rebroussent chemin cahin-caha. Un beau matin, leurs narines frémissent, hameçonnées par la chaleureuse odeur du pain grillé. Robinson est là qui les attend. Silex allume le gaz, Clou fait le café comme autrefois chez la vieille. Et après trois immenses tartines à la confiture de myrtille, Ribouldingue déballe l’étrange bric-à-brac. Le vieux rigole et se met à l’ouvrage sous le regard ahuri et méfiant des cinq voyageurs. Il frotte, polit, aiguise et il faut voir comme ils rutilent, à la fin, les outils trouvés sous le lapin ! Les voilà prêts. Ribouldingue tournera les 36 872 barreaux cylindriques dans le beau frêne sec et blanc ; Boucle-d’or, à l’herminette, taillera bien droit les montants dans les troncs des châtaigniers abattus et mis à sécher par Robinson depuis leur départ ; Silex percera les trous, réguliers et circulaires ; Calendula-Jane ajustera les queues d’aronde deux à deux. Clou fera le café et Robinson les tartes, potages, sabayons, tourtes et entremets pour nourrir la bande. Le 21 juin tout est assemblé. On peut enfin dresser l’immense échelle dans la clairière et l’appuyer contre la lune ronde. Robinson monte le premier, suivi de Clou, Boucle-d’or, Calendula-Jane, Ribouldingue et Silex. L’un après l’autre ils mettent le pied dans le grand plat blanc et s’assoient. Alors, fanfaron, le vieux sort un trésor de son panier ! Oui, une bouteille pétillante de kombucha dont chacun savoure les petites bulles à grandes goulées, alors que tout en bas, sur la Terre, le soleil disparaît entre les deux oreilles d’or du petit lapin.

lune

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Et s’il ne devait rester que quelques images gravées dans une logique de porte-folio ? De l’histoire ne subsisteraient que quelques images dépaysées éludant les problèmes liés à la fabrication d’un livre et escamotant le texte.
Dépaysement cher à Max Ernst, dont les images, icebergs d’une banquise disparue, surnagent dans un ordre incertain et étrange. Dans la logique aussi des Cabinets de curiosité de Kubin qui inverse la chronologie en illustrant par le texte une image ancienne, retrouvée dans ses archives. Le texte tirant l’image qu’il a lui-même dessinée plusieurs années auparavant dans une direction à la limite arbitraire et circonstancielle.
Logique graphique, enfin, celle des tarot de Marseille ou pas, dont les gravures sont accompagnées d’un sous-texte, sous-titre, légende dans un cartouche. Rapport texte-image que l’on retrouve aussi notamment chez Gustave Doré quand les images « hors texte » sont assises sur un court fragment du texte coupé.

# le silence de la nuit sur le chemin qui hésite

# Silex dont les dents cobalt font jaillir des rais d’étincelles

# le vent cinglant de l’hiver

# le grand festin du frichti près du poêle

# le Far-west vermoulu d’une souche en sous-bois

# le visage noueux d’une vieille s’abîmant au fond d’une tasse à café

# la carmagnole joyeuse d’une petite table en poirier

# les grandes oreilles en chocolat d’un lapin recouvert de feuille d’or

# la petite vérole d’une assiette en porcelaine de lune

Nasreddin Hodja, un vieux compagnon de route déjà !

Un projet – d’abord sous forme de petit théâtre d’ombres, puis de livre imprimé en taille d’épargne et typo – à partir de l’histoire de Nasreddin Hodja qui va au marché.


Plus exactement cela part de son fils, qui ne se trouve pas beau… C’est ensuite qu’ils harnachent l’âne et vont au marché écouter l’avis des badauds, quidams et gens. Le projet ici sous forme de chemin de fer, dans la perspective d’un travail imprimé en plusieurs passages et donc jouant des superpositions, transparences avec un jeu de modules qui confine à l’arbitraire et à l’absurde au fur et à mesure de la progression.
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