On a franchi le Rubicon

Essuyer de méchants embruns sur l’Olympic Champion ; manger des pizzas à Savignagno-sul-Rubicone ; traverser l’Italie par l’autoroute ; voir la neige sur les cimes et ressentir le froid : ça y est, on rentre.
Sept semaines en goguette : un voyage et que reste-t-il ?
Le souvenir des yaourts grecs, la mémoire de l’eau turquoise et du sel sur les lèvres, les baklavas et les couronnes au sésame pour le petit déjeuner… Une discussion avec un moine au sujet de l’Europe, Aube dorée, les anarchistes, l’histoire, la guerre civile. Des loukoums, des sculptures, la féta « de tonneau », les olives de Kalamata, la cuisine au feu de bois pendant 48 jours sur la plage et des lessives à faire malgré le coup de pouce de Georges à Mistra.
L’envie de revenir pour les silhouettes, pour le dessin et les histoires sur les pots. Le souvenir de l’anglais baragouiné, la barbe ! Un carnet jaune A6, des dessins en Grèces, en Italie et quelques-uns en France, mardi, histoire de se bercer de l’illusion du voyage, encore.
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Banque “néo-mycénienne” à Nauplie dans cette éphémère capitale de la Grèce libérée.
Nauplie conserve le souvenir de deux mosquées ottomanes. L’une est devenu un cinéma à l’abandon, l’autre fut le premier parlement.
Tirinthe. Remparts cyclopéens (-1400 -1300), mégaron et portes dérobées de l’époque mycénienne.
Mycènes, mortier en pierre, 1400 – 1050 avant J.-C.
Musée de Mycènes. Conuli, dont j’ai trouvé un exemplaire en terre cuite sous les oliviers d’un tholos ruiné. Conuli, c’est-à-dire petit poids suspendu au bas d’une robe mycénienne il y a 3200 ans.
Trésor d’Atrée ou Tombeau d’Agamemnon. Tombe à coupole souterraine de l’âge du bronze, 1350 – 1250 av. J.-C. et la promiscuité admirative des touristes à l’étonnante familiarité.
À gauche, Mycènes. À droite, Helliniko, la pyramide encore.
Prodromou, un des monastères accrochés dans les gorges du Lousios en Arcadie avec une douzaine (?) de moines.
Prodromou: un moine nous offre du café, des loukoums et des biscuits sur des divans aux motifs bariolés. Sur les murs, le souvenir des moines photographiés en noir et blanc.
Italie du Nord, autoroute, 110 km/h, dessins à la volée. Il y a beaucoup d’animaux, mais tous sur les enseignes…
Après deux ans ici, le Covid et des milliers de kilomètres pour faire des musées ailleurs, je pénètre enfin, intimidé, surpris, dans un musée à Clermont-Ferrand.
Ivresse et concupiscence d’une Ariane fin XVIe d’après Goltzius. Clermont-Ferrand, Musée Roger-Quilliot.

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Quelle heure est-il samedi au large de Bari, lorsque je me réveille suspendu au plafond sur le pont du ferry après une nuit d’orage dans un hamac entre deux terres ?
« L’heure ? ! m’a-t-il dit, son visage mal rasé s’éclairant d’un grand sourire. Crénom, mon petit gars, c’est qu’on en a pas qu’une seule, d’heure. […] Je crois bien qu’ils ont tellement foutu le bordel là-dedans que plus personne sait comment mesurer le temps. […] Les problèmes avaient commencé, m’a-t-il expliqué, quand les autorités ont décrété que le district de Portland suivrait l’heure d’été tandis que le reste de l’État conserverait l’heure d’hiver : « C’est tous ces putains de fermiers, ils se sont ligués. Résultat, pas de changement d’heure dans tout le reste de l’État. je vois vraiment pas pourquoi les vaches seraient pas capables d’apprendre à se lever à une heure différente exactement comme les humains, pas vrai ? » Pendant le reste du trajet, j’ai aussi découvert que dans d’autres grandes villes – Salem, Eugene – la chambre de commerce avait décidé de suivre l’exemple de Portland parce que c’était mieux pour les affaires, mais qu’à la campagne ces pauvres cons de bouseux refusaient que les élus fassent si peu de cas de leur opinion et continuaient de fonctionner à l’heure d’hiver. C’est ainsi qu’à certains endroits, il n’y avait pas de changement d’heure officiel, mais on avait adopté ce qu’on appelait le temps comprimé, en vigueur uniquement les jours de la semaine. D’autres villes changeaient d’heure seulement pendant les périodes d’ouverture des magasins. « Enfin bref, le résultat c’est que plus personne dans tout ce putain d’État ne sait quelle heure il est. C’est pas la meilleure, ça ? »
Et quelquefois j’ai comme une grande idée, Ken Kesey, 1964, traduit de l’anglais (Etat-Unis) par Antoine Cazé, pp. 137-138. Edition Monsieur Toussaint Louverture, 2013, 2015.

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Merci à Yannick pour la « main à la pâte », quelques bonnes adresses archéo et sites de rêves pour la nuit!

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